Mythes, réalités et perspectives d’un ingrédient longtemps écarté
Repenser la maturité à Bordeaux
À Bordeaux, la recherche de maturité a longtemps été une quête centrale. Portée par un climat océanique incertain, elle a conduit à des pratiques de tri de plus en plus poussées, jusqu’à l’exclusion quasi totale des parties végétales, rafles comprises, dans les vinifications modernes. Mais les équilibres ont changé. Le réchauffement climatique, l’évolution des profils de raisins et les attentes en matière de fraîcheur et de lisibilité aromatique obligent aujourd’hui la filière à réinterroger ses fondamentaux.
C’est dans ce contexte que Derenoncourt Vignerons Consultants a mené, au fil de six années, un travail de fond sur la rafle. Un ingrédient longtemps rejeté, et pourtant capable, utilisé avec discernement, d’apporter des réponses concrètes aux nouveaux enjeux du vin.
Une étude conduite à taille réelle
L’étude, menée dans des conditions de vinification réelle, visait à mieux comprendre l’impact organoleptique et analytique de la rafle. Les équipes de Derenoncourt Vignerons Consultants ont conduit plusieurs séries de tests :
- infusions hydro-alcooliques de rafles issues de différents cépages et parcelles,
- caractérisation aromatique par un parfumeur professionnel,
- analyses chimiques ciblées,
- comparaisons de vinifications avec et sans rafle,
- dégustations triangulaires à grande échelle.
L’ensemble de ces données a permis de construire une vision affinée, loin des stéréotypes, sur le rôle que peut jouer la rafle dans la construction d’un vin.
Ce que la rafle change
Contrairement à certaines idées reçues, la couleur ou la maturité visuelle d’une rafle n’est pas un critère pertinent pour évaluer son potentiel. Ce sont sa composition chimique, son origine, son millésime et le cépage concerné qui conditionnent ses effets.
Sur le plan aromatique, la rafle libère :
- des composés en C6 (arômes végétaux),
- des salicylates (notes poivrées, camphrées, fraîches),
- des terpènes (notes florales, fruitées ou exotiques).
Les infusions ont révélé une large gamme : citron, fruits secs, fleurs, zestes… Le Merlot, en particulier, montre une richesse aromatique importante dans ses rafles, bien supérieure à celle de cépages comme le pinot noir ou le grenache.
Sur le plan gustatif, la rafle joue plusieurs rôles complémentaires :
- Elle apporte des tanins structurants, utiles dans les millésimes secs ou dans des moûts faibles.
- Elle contribue à la douceur perçue, grâce à sa richesse en astilbine, un flavanol naturellement sucré.
- Elle influe indirectement sur la fraîcheur aromatique, même si une augmentation du pH est souvent observée.
Contrairement aux vinifications en grappes entières (semi-carbonique), son usage partiel et ciblé permet de maîtriser précisément l’équilibre recherché.
Une technique complémentaire, pas un dogme
L’étude souligne qu’il n’existe pas de vérité universelle sur la rafle. Tout dépend du cépage, du millésime, du terroir, du style recherché. Elle n’est ni un standard à appliquer partout, ni un retour nostalgique à des pratiques anciennes. Elle devient un outil parmi d’autres dans la panoplie du vinificateur, au même titre que le type d’élevage ou le niveau d’extraction.
Son usage maîtrisé peut apporter un gain de complexité, un soutien de structure, et parfois un surplus de douceur, sans trahir le lieu, ni l’identité du vin.
Une redécouverte au service du goût
Au-delà de l’effet technique, cette étude invite à réinterroger certaines certitudes, à nuancer les automatismes, et à rouvrir la porte à des éléments écartés par principe. Elle démontre que les progrès ne viennent pas toujours de l’innovation technologique, mais parfois de la relecture intelligente des savoirs anciens.
Derenoncourt Vignerons Consultants continue, à travers ce type de travaux, d’explorer des pistes concrètes et adaptables, au service des équilibres, des terroirs et des domaines.
Pour en savoir plus, retrouvez peut-être l’article signé par Romain Bocchio avec James Suckling :