Dans un contexte de restructuration du vignoble et de standardisation clonale, la sélection massale revient au cœur des préoccupations viticoles. Elle permet de préserver la diversité génétique des cépages tout en assurant la pérennité d’un patrimoine végétal unique, propre à chaque domaine.
Plus qu’une technique de multiplication, c’est une démarche agronomique, patrimoniale et durable, qui répond aux enjeux actuels de la viticulture.
Qu’est-ce que la sélection massale ?
La sélection massale consiste à identifier, dans une vieille parcelle, des souches de vigne présentant des caractéristiques intéressantes (vigueur, état sanitaire, régularité de production, qualité des raisins…), pour les multiplier. Contrairement à la sélection clonale, qui repose sur un individu unique, la sélection massale cherche à conserver une diversité intra-variétale, précieuse face aux maladies, au changement climatique et à l’évolution des goûts.
Pourquoi intervenir sur des vieilles vignes ?
Pour garantir une réelle diversité génétique et éviter de reproduire des clones déjà standardisés, le travail de sélection massale doit être effectué sur des parcelles plantées avant les années 1960, c’est-à-dire avant la généralisation de la sélection clonale. Ces vieux ceps sont de véritables témoins du passé, et leur disparition progressive rend urgente leur valorisation.
Sélection massale sur une vigne centenaire au Château de Minière
Les différentes méthodes de sélection massale
Selon les objectifs du vigneron, plusieurs types de sélection massale peuvent être envisagés. Chacune présente des niveaux d’exigence, de coût, et de durée différents.
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La sélection massale rapide
La plus accessible et la plus répandue. Elle repose sur une observation empirique des souches dans de vieilles parcelles.
- Entre 300 et 600 souches sont observées.
- Les pieds aux caractéristiques recherchées sont sélectionnés, sans test sanitaire.
- Les greffons sont prélevés lors de la taille, humidifiés et stockés à température contrôlée (+8°C à -3°C).
- Une déclaration de pépinière est déposée auprès de FranceAgriMer, qui autorise ensuite la multiplication chez un pépiniériste agréé.
Cette méthode est simple mais comporte des risques, car aucune analyse virologique, agronomique ou œnologique n’est réalisée.
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La sélection massale sanitaire
Cette méthode reprend le même schéma que la sélection rapide, mais avec un filtrage sanitaire :
- Des tests ELISA sont pratiqués sur les souches candidates, permettant de détecter et d’éliminer celles atteintes de maladies virales comme le court-noué ou l’enroulement.
- Aucune évaluation agronomique ou œnologique n’est menée.
- Les plants obtenus sont donc sains sur le plan virologique, ce qui sécurise la plantation.
Idéal pour allier rapidité de mise en œuvre et sécurité sanitaire minimale.
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La sélection massale de précision
C’est la méthode la plus complète et la plus exigeante, réservée à des démarches longues et rigoureuses.
- Après les tests sanitaires (comme en sélection sanitaire), les souches sélectionnées sont multipliées et plantées dans une parcelle d’essai.
- Pendant 7 à 8 années, des tests agronomiques (vigueur, rendement, état sanitaire…) sont menés.
- Ensuite, des analyses œnologiques sont effectuées sur les micro-vinifications issues de ces souches.
- Au terme d’un processus de 15 ans environ, seules 9 souches maximum par variété sont conservées.
Cette méthode permet d’identifier des souches d’exception, à fort potentiel qualitatif, pour une vision à long terme.
Avantages et limites de la sélection massale
Avantages | Limites |
Préservation de la diversité génétique | Méthodes variables selon le niveau de rigueur |
Adaptation au terroir et à la viticulture durable | Démarche parfois longue et coûteuse |
Valorisation du patrimoine végétal | Sélections massales non éligibles aux subventions européennes |
Solution face à la standardisation clonale | Vieilles vignes de plus en plus rares |
La sélection massale est une stratégie agricole autant qu’un engagement culturel. Elle offre une alternative pertinente à la standardisation clonale, en misant sur la diversité, l’adaptation locale et la richesse des cépages anciens.
Qu’elle soit rapide, sanitaire ou de précision, elle nécessite méthode, rigueur et vision à long terme – mais elle incarne pleinement les valeurs d’une viticulture vivante, durable et enracinée.